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10 juillet 1940 : 80ème Anniversaire du Vote des Quatre-Vingts à Vichy

Publié par Arnaud Clément sur 10 Juillet 2020, 16:58pm

Catégories : #Histoire, #Gaullisme

L'assemblée des parlementaires réunie à Vichy le 10 juillet 1940

L'assemblée des parlementaires réunie à Vichy le 10 juillet 1940

   Quatre-vingts. Ils ont été 80 le 10 juillet 1940 à Vichy, dans la salle du théâtre du Casino à refuser la disparition de la République. 80 parlementaires (57 députés et 23 sénateurs) se sont opposés à un vote donnant tous les pouvoirs au Maréchal Pétain. 80 représentants des Français contre 569 qui ont voté le projet défendu par Pierre Laval, donnant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Parmi ces 569 parlementaires, le député de l'Indre et maire de Châteauroux, Louis Deschizeaux, siégeant au sein du groupe de l'union socialiste et républicaine.

"Pour la République, le Vote des Quatre-Vingts à Vichy le 10 juillet 1940" de Jean Marielle et Jean Sagnes - CNDP - 1993

"Pour la République, le Vote des Quatre-Vingts à Vichy le 10 juillet 1940" de Jean Marielle et Jean Sagnes - CNDP - 1993

   Les échanges entre les parlementaires présents à Vichy au début du mois de juillet 1940 ont été nombreux. Dans "Pour la République, le Vote des Quatre-Vingts à Vichy le 10 juillet 1940", édité en 1993 par le Centre National de Documentation Pédagogique, Jean Marielle et Jean Sagnes rappellent le témoignage du député du Cantal, Maurice Montel, livré au Congrès de l'Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance, à Perpignan en octobre 1990 :

   "Je connaissais bien Pierre Laval. Il était sénateur du Puy-de-Dôme, j'étais député du Cantal... Nous avions des relations assez fréquentes lorsqu'il s'agissait de défendre l'intérêt commun des deux départements auvergnats.

   Je suis arrivé à Vichy le 9 juillet, en fin de journée, avec ma voiture militaire, les parlementaires mobilisés pouvant utiliser leur véhicule de fonction. Ayant pris possession de la chambre qui m'était retenue à l'hôtel Radio, proche du Casino, je suis allé aux nouvelles. Montant les escaliers qui accèdent au perron précédant la salle de théâtre du Casino, je trouvai sur le perron un groupe de sénateurs au milieu desquels était Pierre Laval. Celui-ci tentait d'obtenir que les sénateurs qui l'écoutaient votent le lendemain pour lui ou pour le texte qu'il présentait. Passant près d'eux, je fus reconnu par un sénateur de Lozère, le marquis de Chambrun, qui m'appela. Alors que je me tournais vers lui, Pierre Laval se retourna et me vit : "Oh ! Montel, dit-il, viens ici avec nous". Comme je m'approchais, il me félicita pour la Croix de guerre que je portais sur mon uniforme. Il y avait là outre de Chambrun, Chaumié, Labrousse, Marcel Plaisant et d'autres dont je ne me souviens pas des noms. Marcel Plaisant fit remarquer que je portais l'uniforme de capitaine du génie, comme naguère Rouget-de-l'Isle, l'auteur de la Marseillaise. Laval m'ayant résumé ce qu'il envisageait, je tentai de partir, lorsque, me prenant par l'épaule, il s'est excusé et a dit à son auditoire : "J'accompagne Montel un instant". Il m'a tutoyé, alors qu'il ne l'avait jamais fait précédemment. Il m'a tapé sur l'épaule en ajoutant : "Écoute, nous allons donner les pleins pouvoirs à Pétain et demain je serai vraisemblablement le chef du gouvernement qui aura à gérer (c'est le terme qu'il a employé) la situation actuelle difficile du pays".

   Je lui ai répondu que je ne pourrai pas consentir à voter le texte qu'il présentait, dont on m'avait donné connaissance une demi-heure plus tôt. J'ai dit : "Je ne peux pas, parce que je viens de me battre, j'ai vu des civils et des militaires tués près de moi... Je ne peux pas accepter de voter pour quelqu'un qui a capitulé devant l'ennemi et livré la France aux Allemands". J'ai ajouté : "Pour moi, Pétain est le Bazaine de 1940. En ce qui concerne le texte lui-même, c'est l'assassinat de la République. Je suis un ancien élève de l'École républicaine. Mon maître, dans son cours d'instruction civique, m'a fait aimer la République. Je ne peux pas consentir à participer à son assassinat. Je voterai contre".

   Laval a continué, me demandant de réfléchir, disant : "Réfléchis, parce que demain j'aurai besoin de l'aide de gens comme toi". Je lui ai répondu que je ne pouvais pas accepter, que ce n'était pas la peine qu'il insiste, ma décision étant prise.

   Je votai contre le lendemain.

   Ainsi s'est achevé le dernier contact que j'ai eu avec Pierre Laval." 

Médaille d'argent des Quatre-Vingts du 10 juillet 1940 - Extrait du livre de Jean Marielle et Jean Sagnes "Pour la République, le Vote des Quatre-Vingts à Vichy le 10 juillet 1940" - CNDP - 1993

Médaille d'argent des Quatre-Vingts du 10 juillet 1940 - Extrait du livre de Jean Marielle et Jean Sagnes "Pour la République, le Vote des Quatre-Vingts à Vichy le 10 juillet 1940" - CNDP - 1993

   En ce jour du 80ème anniversaire du vote des 80 qui refusèrent "l'assassinat de la République", souvenons-nous de ces "premiers résistants" comme les appela le Général de Gaulle et de leur acte de Résistance particulièrement courageux dans un contexte terrible pour la France.

Une du Figaro du 11 juillet 1940

Une du Figaro du 11 juillet 1940

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F
Très intéressant commme toujours, merci Arnaud !<br /> <br /> Avec toutes mes amitiés.
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