Débuté la semaine passée, l'examen du texte sur l'audiovisuel public et particulièrement, sa mesure phare, consistant à supprimer la publicité à partir de 20h00, sera à nouveau étudié par le Sénat la semaine prochaine.
Rien de surprenant à ce que les sénateurs, après le vote des députés, doivent décider de l'avenir du service public en France. Sauf que depuis lundi dernier, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques est déjà entrée en vigueur... sans attendre les débats et le vote des sénateurs !
Et les réactions ne sont pas tendres avec le Chef de l'Etat, à l'origine de cette idée, il y a un an. Christian Poncelet, ancien Président du Sénat et sénateur UMP des Vosges explique sur Marianne2.fr : "Je suis très surpris qu’on applique une décision avant que la loi soit votée ! C’est une attitude particulièrement inélégante de l’Elysée à l’égard du Sénat." Et plus loin : "Dans l’histoire du Sénat, je n’ai pas en mémoire de faits identiques." De la même manière, sans même aller regarder du côté de l'opposition, des sénateurs UMP ne cachent pas une véritable déception face au débat sur cette réforme. Par exemple, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre et sénateur UMP de la Vienne parle de "procédure inconfortable" ou Ladislas Poniatowski, sénateur UMP du l'Eure explique : "J'ai le sentiment d'être pris pour un zozo" !
Quel mépris pour l'ensemble des membres du Sénat que la mise en application de cette disposition, qui fait partie de l'ensemble du projet de loi sur la réforme de l'audiovisuel public voulu par le Chef de l'Etat, avant le vote des sénateurs. Même si cette décision a finalement été prise par le conseil d'administration du groupe audiovisuel, où est le respect de la démocratie parlementaire dans cette affaire ? Comme j'ai pu le lire à de nombreuses reprises : "autant dire que le Sénat ne sert à rien…" ! Et si ce n'est évidemment pas le cas, beaucoup peuvent légitimement s'interroger après ce passage en force.
Alors, à quoi faut-il s'attendre la semaine prochaine ? A une augmentation de la redevance audiovisuelle, c'est une certitude car c'est la volonté des sénateurs centristes ; sénateurs qui doivent absolument voter cette réforme au risque d'un échec pour le Gouvernement, car l'UMP ne dispose pas de la majorité absolue au Sénat. Au final, c'est une hausse de 5 euros de la redevance, qui serait à prévoir pour les Français en 2009. Une belle augmentation de 4,3% pour une mesure qui n'était ni inscrite dans le programme du candidat Nicolas Sarkozy, ni demandée par les Français. Et cela, sans parler de la nouvelle taxe sur les télécoms qui pourrait se traduire par une hausse de 15 euros par an de la facture télécoms, d"après le sénateur centriste de l'Eure, Hervé Maurey. Au final un peu moins de pouvoir d'achat aux Français, dans une période difficile, pour ce que je considère être un caprice du Président.
Par ailleurs, j'ai été assez déçu de lire une interview récente dans le Figaro, du Président du Sénat, Gérard Larcher, expliquant que "Les Français ressentent la redevance comme une taxe alors qu'elle pourrait être comprise comme une contribution à une télévision publique de qualité. L'abonnement que l'on paye pour les chaînes câblées ou satellites est de 120 euros minimum par an, quand la redevance est de 116 euros par an. Serait-il inconcevable de demander 10 euros par mois aux Français pour une télévision de qualité sans coupure publicitaire ?" Gérard Larcher oublie simplement que l'abonnement aux "chaînes câblées ou satellites" est un choix, alors que le paiement de la redevance ne l'est pas. Par ailleurs, il faudra sans doute ne pas se contenter de la suppression des coupures publicitaires pour avoir une télévision publique "de qualité" ! Et je ne suis pas convaincu que la nomination du Président de France Télévisions par le Conseil des Ministres et la recherche de moyens pour compenser la perte des recettes publicitaires de ce nouveau groupe permettent d'atteindre cet objectif.
Mais il faut être prudent car personne n'oublie la déclaration du Président du groupe UMP à l'Assemblée Nationale, qui expliquant son opposition à toute augmentation de la redevance, hors indexation sur l'inflation, avait dit le 12 novembre dernier : "Moi vivant, il n'y aura jamais d'augmentation de la redevance" et ensuite : "J'ai dit à Claude Guéant [le secrétaire général de l'Elysée] que c'était inacceptable. [...] Il est clair que nous ne l'accepterons pas, même pour faire plaisir aux centristes." Peut-être verra-t-on alors Jean-François Copé manger son chapeau, ou bien... assiterons-nous un vote négatif des Sénateurs ?
D'ailleurs, que se passerait-il si les sénateurs avec la sagesse dont ils sont coutumiers, votaient "non" à cette réforme sur l'audiovisuel public ? La publicité serait tout simplement de retour sur les chaînes publiques... Pour ma part, j'avoue que cette perspective ne serait pas pour me déplaire. Non que je sois un inconditionnel de la pub (bien au contraire), mais cela permettrait peut-être à nos dirigeants de réfléchir et de ne pas prendre à l'avenir le Sénat pour une simple chambre d'enregistrement !
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