Arnaud Clément - Les Carnets

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Non à la réforme des Institutions de la Vème République !

Publié par Arnaud Clément sur 20 Juillet 2008, 22:17pm

Catégories : #Politique

   Une fois n'est pas coutume (quoique...), mais il m'est aujourd'hui, impossible de soutenir la majorité présidentielle, dans son projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République. Demain, les parlementaires (députés et sénateurs) se réuniront à Versailles pour le Congrès, afin de se prononcer sur cette nouvelle révision constitutionnelle. Je les invite à une véritable réflexion avant de se prononcer. Car la décision qu'ils vont prendre dépasse, comme l'a affirmé Jean-François Copé, partisan de la réforme, le traditionnel clivage droite-gauche. Il s'agit pour les députés et les sénateurs de se déterminer, comme l'a expliqué le Président du Conseil Constitutionnel Jean-Louis Debré, "en leur âme et conscience".

   Dans ces conditions, je suis choqué par ce qui peut être rapporté ici où là dans la manière d'agir des responsables politiques de notre pays. Plusieurs parlementaires de l'opposition, mais aussi et surtout de la majorité, font état de pressions pour qu'ils votent en faveur du projet de loi, lors du Congrès. J'ai entendu en fin de journée, sur France 3, une députée de Vendée, Véronique Besse (Mouvement Pour la France) expliquer avoir reçue un appel du Président de l'Assemblée Nationale, Bernard Accoyer. Ce dernier, "sympathique" au début de la conversation est devenu ensuite "menaçant", lui expliquant que pour la prochaine élection législative, elle pourrait avoir un candidat de la majorité présidentielle contre elle et allant jusqu'à lui demander tout simplement ce qu'elle voulait, ce qui lui "ferait plaisir" pour qu'elle vote la réforme. Exercer un tel chantage, chercher à acheter le vote d'un parlementaire, je trouve cela véritablement indigne et profondément scandaleux. En arriver à de telles extrémités, de la part d'une des plus hautes personnalités de l'Etat est écoeurant.

   Mais bien entendu, ce n'est pas en raison du comportement odieux de certains responsables de l'Etat que je souhaite que cette révision constitutionnelle soit un échec. Les raisons sont nombreuses et pour ne pas être trop long, je me limite à deux d'entre elles qui me paraissent fondamentales :

   - En premier lieu, je ne suis pas favorable à la limitation du mandat présidentiel à deux consécutifs, comme cela est prévu à l'article 3 du projet de loi. Pourquoi limiter le peuple français dans son choix du Président de la République ? Si le peuple souverain est satisfait par les deux mandats exercés par le Chef de l'Etat, pourquoi ce dernier ne pourrait-il pas se représenter et pourquoi les Français ne pourraient-ils pas le reconduire dans ses fonctions ? Cette disposition prive le peuple d'une part de sa liberté de choisir. Je trouve cela inacceptable.

   - En second lieu, je suis absolument opposé à la modification de l'article 88-5 de notre Constitution. Ce dernier stipule que "Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union Européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République". Cette disposition avait été prise sous la présidence de Jacques Chirac qui s'engageait ainsi à ce que les Français soient consultés pour l'adhésion de nouveaux pays (et particulièrement la Turquie) à l'Union Européenne. Le projet de loi qui sera présenté aux suffrages des parlementaires demain modifie cet article, puisqu'on y ajoute la phrase suivante : "Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89". "La procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89" étant en fait l'adoption lors d'un Congrès du "projet de loi".

   Pour être clair, aujourd'hui, avec notre Constitution, les Français devront se prononcer par referendum sur l'entrée d'un pays (notamment la Turquie) dans l'Union Européenne (U.E.). Demain, si ce projet est adopté, il suffira de réunir une majorité des 3/5èmes au Sénat et à l'Assemblée Nationale pour que ce soit le Parlement qui décide et non les Français. Quand on connaît l'attitude "d'ouverture" de nos parlementaires sur le sujet européen, il est à craindre que le peuple français ne puisse se prononcer sur l'entrée d'un nouveau pays et évidemment sur l'adhésion de la Turquie au sein de l'U.E. Personne n'a oublié qu'alors que 55% des Français disaient "non" au Traité Constitutionnel Européen en mai 2005, plus de 90% de nos parlementaires se prononçaient, eux pour le "oui" ! C'est pourquoi je considère cette modification comme une véritable manipulation de la part de nos élus visant à priver les Français d'un vote. Vote auquel une très grande majorité de nos concitoyens est attaché. Car les Français ne sont pas favorables à l'entrée de la Turquie dans l'U.E. Avec cette révision, la France entrouvre la porte de l'U.E. à la Turquie. Par ailleurs, c'est totalement contraire aux promesses du candidat Sarkozy et aux engagements pris par les députés de la majorité en 2007.  

   Voilà deux raisons, à mes yeux, largement suffisantes pour rejeter cette réforme des institutions de la Vème République. Mais c'est aux députés et aux sénateurs qu'il revient de se prononcer. Le résultat sera manifestement serré. Mais malgré les pressions incroyables dont font l'objet ceux qui sont tentés de ne pas voter ce projet de loi, j'espère que nos élus feront "en leur âme et conscience", un choix de conviction, plutôt que de circonstance.

   Pour terminer, je tiens à dire que je regrette que cette révision constitutionnelle, la plus importante depuis 1958 n'ait pas été soumise au peuple de France par referendum. Ce n'est pas l'esprit de la Constitution de 1958 qui s'applique dans le choix de la procédure parlementaire par le Chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy. Ce dernier semble vraiment hostile à la consultation directe des Français. Mais aller jusqu'à essayer de faire passer une révision constitutionnelle de cette nature, en plein mois de juillet, à un moment où beaucoup de Français sont en vacances, c'est déplorable. Car je ne pense pas malheureusement, que ce ne soit que le fruit du hasard du calendrier... 

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S
Même si tout comme toi, je n'étais pas favorable à cette nouvelle révision constitutionnelle, je ne suis cependant pas d'accord sur les raisons qui te poussent à ne pas soutenir la réforme des institutions qui a donc été adoptée.Une fois n'est pas coutume, nous sommes toutefois dans la même posture d'indignation, quant au constat des méthodes de chantage et pressions en tout genres, faits aux parlementaires de l'opposition, mais aussi et surtout à ceux de la majorité, pour qu'ils votent en faveur du projet de loi.On peut évoquer les articles avec lesquels on ne peut être d'accord, mais aussi décrire les sujets manquants de la réforme comme je l'ai fait sur mon blog.Quand on y repense, on se dit que Sarko et sa clique ont bien fait de passer leur week-end à telephoner et convoquer les indécis afin de les acheter ou de leur "remonter les bretelles" méthodes très démocratiques et républicaines, n'est ce pas ?
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A
<br /> <br /> Nos motivations étaient différentes, mais notre objectif identique. Aujourd'hui, le résultat est ce qu'il est.<br /> <br /> Pour le reste, tu conviendras sans doute avec moi que c'était le rôle de Jean-François Copé, en tant que responsable du groupe UMP à l'Assemblée Nationale de chercher à convaincre (et seulement<br /> convaincre) les députés de la majorité.<br /> <br /> En revanche, l'attitude de Bernard Accoyer, Président de l'Assemblée Nationale, l'un des plus haut personnage de l'Etat, telle qu'elle semble avoir été durant les jours précédents le vote du<br /> Congrès, me paraît totalement inacceptable : ni "démocratique", ni "républicaine" ! Avec des méthodes à l'image de celle que j'ai rapportées dans cet article, ce<br /> Monsieur ne pourra faire croire qu'il s'inscrit dans ce mouvement de "démocratie irréprochable", qui lui est pourtant si cher.<br /> <br /> <br /> <br />

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