Cette semaine aura vraiment été une semaine noire pour la démocratie, pour la France et pour l'Europe. Ce qui était véritablement impensable il y a encore quelques mois s'est déroulé sous les yeux du monde, sans d'ailleurs susciter un émoi considérable. Et pourtant, c'est bien un désastre démocratique qui a eu lieu.
Jeudi, les députés français ont voté à une large majorité (la même que celle qui aurait voté en faveur du Traité Constitutionnel Européen en 2005, si Jacques Chirac n'avait pas choisi de faire appel au peuple), le projet de loi autorisant la ratification du Traité de Lisbonne, par 336 voix contre 52. Tous les députés de l'Indre se sont prononcés en faveur du Traité de Lisbonne, alors que les habitants de l'Indre avaient voté à une très large majorité "non" au referendum du 29 mai 2005. Que les citoyens de leur département ne soient pas en accord avec eux, cela importe peu à Nicolas Forissier, Jean-Paul Chanteguet et Michel Sapin. Ce mépris des électeurs est scandaleux. Honte à ceux qui ont ainsi osé trahir la volonté du peuple souverain !
Je le disais en introduction, ce fut donc une semaine noire pour la démocratie, pour la France et pour l'Europe.
Semaine noire pour le démocratie car après avoir voté la révision constitutionnelle lundi, les parlementaires ont donc autorisé la ratification du Traité de Lisbonne. Je le rappelle, 15.449.508 électeurs avaient voté "non" lors du referendum sur le Traité Constitutionnel Européen le 29 mai 2005, après une campagne qui avait passionné les Français, et dans laquelle, la quasi totalité des pouvoirs (politique, économique, médiatique...) s'étaient engagés en faveur du "oui". Le choix des Français étaient donc net et sans ambiguïté. En "bons démocrates", 336 députés ont décidé de participer à ce coup de force en bafouant le suffrage universel, en remettant en cause gravement le principe de souveraineté nationale et évidemment en massacrant ce qui était un outil formidable dans la Constitution de la Vème République, le referendum.
Semaine noire pour la France, car seul le peuple français pouvait par referendum revenir sur une décision prise par lui-même lors du précédent referendum de mai 2005. Le manque de courage du Chef de l'Etat (alors qu'il déclarait le 9 mai 2004 lors du Conseil national de l'UMP, qu'à "chaque grande étape de l'intégration européenne, il faudra solliciter le peuple" !), l'incapacité du principal parti d'opposition, le parti socialiste, à s'organiser et à exiger, alors qu'il en avait les moyens lors du vote du Congrès lundi dernier, un referendum et la lourdeur de la pensée unique ont abouti à ce fiasco pour notre démocratie. Quelle image donne aujourd'hui notre pays à la face du monde ? Jamais dans l'Histoire de notre République, le peuple n'avait été mis en minorité de pareille manière. L'Histoire jugera.
Semaine noire enfin pour l'Europe. Cette ratification effectuée à la va-vite (moins on en parle, mieux les tenants de la pensée unique se portent), n'a pas permis de réveiller les consciences. Et pourtant, en passant du "non" au "oui" dans les conditions que j'ai déjà rappelées, la France apporte une bien mauvaise pierre à l'édifice européen. Une pierre qui ne pourra que contribuer à l'avenir à destabiliser cette Europe qu'on prétend imposer au peuple français. Car aujourd'hui, non seulement on continue à construire l'Europe sans les peuples, mais désormais, on construit l'Europe contre les peuples : contre le peuple français aujourd'hui, contre le peuple hollandais dans quelques semaines, contre le peuple britannique qui n'aura probablement pas lui non plus droit à la parole, ... contre l'ensemble des peuples d'Europe. Il n'est pas nécessaire d'être devin pour affirmer que si l'Europe ne s'enracine pas parmi les nations qui la fondent, cette Europe-là n'a aucun avenir. Et construite sur de mauvaises bases, il ne faudra pas attendre bien longtemps pour que ce bel édifice s'effondre comme un château de cartes. Il sera alors temps de bâtir la seule Europe possible, celle qui s'appuie sur les peuples.
Pour ma part, mais dois-je le préciser, ma déception est immense. Jusqu'au dernier moment, j'ai espéré un sursaut national et démocratique du Chef de l'Etat, pensant que jamais il ne pourrait en conscience aller jusqu'au bout de cette forfaiture. Mais ce dernier était probablement plus occupé ces derniers temps par des dossiers d'une autre nature... La complicité des parlementaires et notamment des parlementaires socialistes, alors que ces derniers s'étaient eux, engagés lors de la récente campagne électorale, sur l'usage du referendum est décevante et représente une double trahison envers les citoyens.
Enfin, en tant que citoyen, jamais je ne reconnaîtrai ce Traité de Lisbonne qui a été adopté contre l'avis du peuple français. Je l'affirme : ce n'est pas en censurant les peuples que l'on construira l'Europe. L'Europe se fera avec les peuples ou elle ne se fera pas !
"On ne fera pas l'Europe si on ne la fait pas avec les peuples et en les y associant."
Charles de Gaulle - Juillet 1952
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